Artamène ou le Grand Cyrus est-il véritablement cette œuvre d'une lecture ardue, voire impossible, que les commentateurs se sont acharnés depuis trois siècles à dénigrer, même lorsqu'ils lui reconnaissaient des qualités ?
L'un des plus long roman français pèche-t-il vraiment par démesure, par profusion, par redondance ?
Comment dès lors expliquer le succès immense de l'ouvrage auprès du public de l'époque ?
Et si tout cela n'était qu'un problème de lecture ?
La lecture intime et linéaire, telle que nous l'appliquons à tous les textes littéraires, est-elle vraiment le moyen approprié d'aborder le Grand Cyrus ? Sait-on encore identifier les effets que produisait le texte, isoler puis réintégrer ses épisodes dans la masse narrative, partager avec d’autres lecteurs l’appréciation ses grands moments ? Œuvre élaborée par un groupe, publiée sur plusieurs années, le roman ne requiert-il pas, si l’on veut lui rendre justice, de retrouver les pratiques de lecture mondaines, alternant la consultation morcelée en fonction d'un temps disponible limité et la découverte passionnée d’épisodes frénétiquement consommés à la chaîne?
Redonner une chance au Grand Cyrus, faire lire ce roman essentiel pour la compréhension du Grand Siècle, c'est peut-être traduire dans des codes contemporains une forme qui nous est devenue étrangère.
Mai 2020 / Octobre 2002